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Dissertation philo (Févrirer 2012) | ||||
JulEd Ganja Gourou |
Posté le 04/02/2012 à 12:34:46 |
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Hors ligne Messages : 4 829 Depuis : 20/09/2009 |
Edition Janvier: Le Destin →cliquez ici La Mort
La mort est un sujet difficile et, dans notre civilisation actuelle (celle des pays à mode de production capitaliste développé), tabou.
D’un point de vue philosophique, ce thème est bien entendu étroitement lié à celui du temps et de la religion. Qu’elle soit religieuse ou philosophique, toute réflexion sur la mort est profondément paradoxale. En effet, si l’homme est le seul animal qui sache qu’il doit mourir, son savoir sur la mort est opaque et ambigu : nous pouvons saisir empiriquement la mort d’autrui, mais notre propre mort semble nous échapper totalement et parait impénétrable à notre conscience. La mort, de prime abord, apparaît comme un non-sens : quel est l’intérêt, le but, la finalité de notre existence si nous dois disparaître ? L’HOMME ENTRE DEUX NÉANTS « Tu n’es que poussière et retournera en poussière » dit la Bible. La mort, dans sa fatalité, semble indiquer que notre vie n’a aucun sens et que le passage sur terre est stérile et inutile. A quoi bon vivre, finalement, puisqu’un obstacle infranchissable mettra fin à nos désirs et à nos projets ? Parce que la question de la mort est insupportable, parce qu’elle anéantit tout ce que nous pouvons construire, elle est à la fois angoissante et sacralisée. En effet, en donnant à la mort un caractère sacré, l’homme compense la finitude biologique par l’immortalité spirituelle. Ainsi, de simple phénomène biologique, prescrite par le programme génétique lui-même, la mort, qui n’est ni un accident, ni une réalité contingente, devient un phénomène culturel. Nous pouvons saisir à travers elle le passage de la nature à la culture, puisque l’homme est le seul animal qui enterre ses morts. Partout et toujours, à toutes les époques et dans toutes les civilisations, un des rares passeports d’humanité en règle, c’est la sépulture, ou en tout cas le rituel mortuaire. Aucun groupe humain, si primitif soit-il, n’abandonne ses morts sans rites. Néanmoins, cette sacralisation, qui concerne pour moi la mort d’autrui, ne parvient pas à étouffer mes angoisses concernant ma propre mort, mystère insondable. La mort est une irréalité qui, comme telle, paraît difficilement pensable. Je puis, à la rigueur, parler de la mort de l’autre et en faire l’objet d’un concept, mais je semble condamné à ne pouvoir penser qu’autour de ma mort ou à propos d’elle. La pensée de la mort me hante, mais il y a en elle quelque chose d’irréductible que je ne parviendrai jamais, jusqu’à mon dernier souffle, à saisir. LA MORT : ANGOISSE ET DIVERTISSEMENT Horace, Ronsard, Diderot : apologie du divertissement... Si la mort est cette réalité devant laquelle semble glisser toute pensée, le discours philosophique le plus cohérent semble devoir consister à pulvériser et à anéantir l’idée même de la mort. Puisque la mort est l’impensé et l’impensable, peut-être faut-il y songer le moins possible et distraire sa pensée de cette angoisse existentielle. C’est d’ailleurs ce qu’il faut comprendre de la position de Jacques le Fataliste de Diderot : « Boire de bons vins, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, tout le reste n’est que vanité ». Cette doctrine face à la mort est celle de l’hédonisme pur, c’est-à-dire la recherche du seul plaisir : puisque la vie est courte, il faut se hâter d’en jouir et toute ma vie doit s’orienter vers cet unique objectif. Une longue tradition reprend d’ailleurs cette même idée, du fameux « Carpe Diem » d’Horace au « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » de Ronsard. Philosophiquement, cette attitude face à la mort a été analysée et nommée divertissement par Pascal et quotidiennenté du "on" par Heidegger. Pascal, dans ses Pensées, observe avec une grande justesse qu’« il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement à leurs affaires et qui observent tout le temps de leur loisir pour leur fournir des plaisirs et des jeux en sorte qu’il n’y ait point de vide » et ce vide a un nom : c’est la mort. « C’est pourquoi », ajoute-t-il, « les rois sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu’il sera misérable, tout roi qu’il est, s’il y pense ». Ce qui est vrai pour un roi, dont la dignité royale devrait être assez grande d’elle-même pour rendre heureux celui qui la possède du seul ravissement de ce qu’il est, paraît plus vrai encore pour le commun des mortels... ÉPICURE, SARTRE : LA MORT N’EST RIEN Ni l’un ni l’autre, répondent d’une même voix Epicure et Sartre. Si le divertissement me réduit à l’animalité, se complaire dans l’angoisse ne rime à rien. Avoir conscience de ma finitude n’implique pas que je doive y penser en permanence, car cette attitude est totalement stérile. Epicure, comme Sartre d’ailleurs, est athée, ce qui lui enlève, contrairement à Kierkegaard, bien des problèmes quant à l’au-delà de la mort. Matérialiste, il considère que nos corps sont de simples agrégats d’atomes qui se dissolvent au moment de la mort. Nous n’avons donc à craindre nulle survie dans l’au-delà. Dans ces conditions, la mort n’est rien pour moi, ni vivant ni mort. En effet, tant que j’existe, elle ne me concerne en rien et une fois mort, c’est moi qui n’existerai plus. Alors, où est le problème ? La mort n’a aucun rapport ni avec les vivants, ni avec les morts : « Familiarise-toi avec l’idée que la mort n’est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation ; or la mort est la privation complète de cette dernière... Ainsi, celui des maux qui fait le plus frémir n’est rien pour nous, puisque tant que nous existons, la mort n’est pas, et que, quand la mort est là, nous ne sommes plus. La mort n’a, par conséquent, aucun rapport ni avec les vivants ni avec les morts, étant donné qu’elle n’est rien pour les premiers et que les derniers ne sont plus ». Epicure - Lettre à Ménécée sur la morale La mort, une présence familière, dès l’enfance... Au XXème siècle, Sartre réactualise l’antique conception d’Epicure, en éconduisant l’idée même de la mort. Totalement étrangère à mon existence, elle ne fait l’objet d’aucune expérience. Elle n’est pas inscrite dans le fil de notre vie, elle vient simplement à la fin. Tant que je vis, ma mort n’est pas. Mon projet la traverse sans rencontrer d’obstacle. Il est donc profondément inutile de la penser autrement que comme la conclusion naturelle de mon existence. CONCLUSION La mort n’est réellement pensée et conceptualisée que lorsqu’il s’agit de la mort d’autrui. En ce qui concerne ma propre mort, et bien que je me sache mortel (ce qui d’ailleurs me distingue de l’animal), je ne peux l’envisager en toute sérénité. Une solution est de nier le problème, comme ont pu le faire Epicure ou Sartre : vivant, il ne me concerne pas ; mort, encore moins. Quoique profondément utile au quotidien, cette attitude ne nous permet cependant pas de faire taire nos angoisses existentielles, qui se résument en une question essentielle : à quoi bon vivre si je dois mourir ? Peut-être que la réponse réside tout simplement dans une prise de conscience : seule la mort donne un sens à ma vie, car, m’immergeant dans l’éphémère et l’aléatoire, elle m’oblige à agir et à donner un sens à mon existence. Pressé par elle, « je n’ai pas de temps à perdre » et je dois concrétiser, le plus vite possible, mon "être-au-monde", qui serait comme une harmonie entre mes aspirations et ce qui m’entoure. Monkey D.Luffy
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